Création: Les Lettres du nord

Les Lettres du nord
Lettre première:
De Saint-Pétersbourg, le 15 juillet 2011.
            Salut à toi, chère amie. J'espère que tu te portes bien. Il y a de cela quelques jours déjà que mon voyage a débuté dans le nord de l'Europe, à Saint-Pétersbourg. Le vol pour me rendre à destination fut particulièrement tranquille, je ne m'attarderai donc pas en détails sur le sujet. Je t'avouerai, avec la franchise que tu me reconnais, que le premier contact avec la métropole russe a été très... décevant. J'espérais subir un choc culturel dès mon arrivée, m'extasier de l'architecture de la métropole russe. Il y a certes quelques gratte-ciels dont la vue saisi le visiteur, mais Saint-Pétersbourg propose une atmosphère trop similaire aux grandes villes nord-américaines, et même québécoises. Les voitures, les commerces, l'activité des foules est en cela trop identique pour causer le dépaysement tant espéré. L'ambiance générale, donc, laisse à désirer.
         
              Outrepassant cette déception, je t'avouerai que la beauté de la grande ville se trouve non pas dans sa modernité, mais dans les éléments qui ramènent à une ère aujourd'hui révolue. Les cathédrales perçant le ciel, les innombrables statues, les domaines des anciens maîtres de l'empire russe du temps des tsars sont autant de prouesses artistiques qui laissent pantois celui qui a des yeux pour les admirer. La Russie est vieille et elle a des histoires à partager.

            Ce contraste me trouble. L'homme a t-il créé tant de merveilles qu'il a perdu la capacité d'édifier un monument à la gloire de sa créativité? Le style moderne, se voulant pratique, est-il irrémédiablement opposé à l'esthétique grandiose des anciens monuments? Quel instant de notre histoire a marqué cette fissure qui différencie les immortelles cathédrales russes des tours du World Trade Center? Il est possible de blâmer le commerce et sa passion pour les édifices à bureau. Il est facile de blâmer la mondialisation, qui aurait propagé l'architecture morne et sans couleur des grandes villes. Il est difficile, par contre, d'obtenir une réponse vérifiable. J'en viens à penser que l'ambition humaine se moque éperdument de l'esthétique de ses cités et de ses terrains communautaires. Nous nous échinons à faire de nos demeures personnelles de vraies cocons de bien-être surpassant de loin l'aménagement du voisin. Notre espace personnel est important car il représente l'individu. Nous nous efforçons d'entretenir cet espace. De telle manière que nous négligeons notre milieu commun, l'uniformisons, nous souciant uniquement de son utilité. Notre individualité est esthétique, notre communauté se veut pratique, économique. Nous manquons d'ambition dès l'instant où il est question de communauté, et c'est cela qui se reflète dans une architecture qui, aujourd'hui, se veut médiocre face aux merveilles du passé bâties par la volonté des puissants. 

Soit en paix. Je te réécrirai.


Lettre seconde:
De Saint-Pétersbourg, le 19 juillet 2011.
            Mes plus sincères salutations à ton endroit, chère amie. Ton sourire me manque. J'ai eu l'occasion de parcourir de façon succincte la ville de Saint-Pétersbourg. Je séjourne au même hôtel depuis mon arrivée. La nourriture est immangeable. J'ai enfin découvert le choc culturel dont je rêvais tant et ce, à un endroit que je n'aurais osé imaginer avant mon départ. Soyons direct: les Russes sont, de façon générale, peu amicaux. Ils ne se donnent pas la peine de paraître accueillants face aux étrangers qu'ils sont convaincus de ne jamais revoir. Tu me diras que c'est normal, avec l'histoire tourmentée, du moins jusqu'à récemment, du peuple russe. Sans croire le contraire, cela m'amène à questionner la notion de civilité et sa soi-disant nature universelle. Notre gentillesse, gratuite et hypocrite, face à l'individu étranger vaut-elle mieux que l'indifférence ou le mépris des Russes, qui ont le mérite d'être francs envers nous, voyageurs et irritations quotidiennes? Avouons-le, il n'est pas rare au Québec de couvrir un individu d'éloges pour, dès qu'il a le dos tourné, le maudire lui et sa descendance. Pour des raisons insignifiantes, qui plus est. Cette civilité dont nous sommes si fiers n'est-elle pas une obligation qui, au final, n'est rien de plus qu'un fardeau moral? Ton opinion m'est chère, je t'offre donc la conclusion de ma pensée: ni les Russes, ni les peuples occidentaux (ceux se targuant d'être des peuples polis, du moins) n'agissent convenablement. L'hostilité injustifiée et l'hypocrisie ne devraient pas définir les relations entre des individus au moment de leur première rencontre. Il est avisé, j'en suis convaincu, d'adopter une attitude civile marquée par la politesse, sans plus. Ne pas louanger ni haïr son interlocuteur. C'est une solution un peu simple, je te l'accorde, mais elle me paraît suffisante, considérant la polémique initiale (polémique qui n'en est pas une, ce n'est qu'une question de culture).
Je te donnerai des nouvelles sous peu. Porte-toi bien.
Lettre troisième:
Entre Saint-Pétersbourg et Moscou, le 23 juillet 2011.
            Je t'écris en observant la campagne de la Russie. Un autobus rempli de voyageurs, dont moi, se dirige vers la glorieuse Moscou. Le soleil caresse le sol une dernière fois, avant de céder sa place à la nuit et aux étoiles. Je me sens outré. À l'extrémité des villes, un observateur peut apercevoir de minables taudis qui n'ont rien à voir avec les glorieux édifices de l'Église orthodoxe, ni avec la nouvelle richesse amenée par le capitalisme dans les citées russes. La classe moyenne n'est qu'une chimère, invisible en Russie. Nous qui respirons l'air capitaliste, vivons l'ère capitaliste, devrions au moins une fois dans nos vies être confrontés à la pauvreté des laissés-pour-compte. Ces gens qui habitent la campagne ne possèdent rien. Ils sont cachés loin des yeux des touristes, des dirigeants visitant le pays. Tout pour bien paraître aux yeux des pays voisins. Donner l'image de la puissance, de la prospérité, pour servir l'influence internationale. Des jeux de pouvoirs qui laissent dans leurs sillages des oubliés, des dépourvus. Des insignifiants qu'on transforme en sans-avenir. Le concept de répartition des richesses n'est qu'un immense mensonge pour agrémenter les rêves du citoyen moyen, le pacifier face à son destin médiocre. Cela, c'est le meilleur système de l'humanité. Son apogée. La compétition et la consommation dominent nos vies, éléments hors de notre contrôle nous faisant vivre l'esclavage à la productivité. La liberté est la plus belle des illusions. Au final, il ne reste que l'inégalité sociale, indispensable aux sociétés et qui fait bien des victimes pour assurer le bonheur des rares puissants. Un bel exemple d'altruisme.
Je suis amer, mais sache que je pense à toi. Attends de mes nouvelles prochainement.
Lettre quatrième:
Moscou, le 1er août 2011.
            Mes excuses, je sais que tu t'attendais à avoir de mes nouvelles depuis quelques temps déjà. Sache que je me porte bien, et que je ne t'oublie pas. Moscou m'a occupé durant de longues journées, me ballotant un peu partout comme dans un immense vortex. Il y a tant à voir, tant d'histoire. La capitale russe est l'incarnation même du concept de paradoxe temporel. À Moscou, la gloire du passé côtoie harmonieusement la modernité qui sied au vingt-et-unième siècle. L'antique culture russe se marie aux grandes marques modernes amenées par la mondialisation. J'avouerai ne pas avoir été surpris lorsque j'ai entendu, en pleine rue et ce à plusieurs reprises, des chansons pop venant tout droit des États-Unis, exportateurs émérites. Sous les grandes affiches de Samsung et Toshiba, en écoutant de la musique américaine, un visiteur tel que moi en vient à chercher désespérément ce qui reste de la culture locale, qui ne se présente pas sur des affiches géantes comme le blockbuster américain présenté dans les salles de cinéma. Les cultures locales du monde sont-elles toutes menacées par le partage qu'amène la mondialisation? À moins qu'elles ne soient tellement ancrées dans le milieu qu'elles n'aient point besoin de s'exposer aux yeux du grand public n'étant pas assez motivé pour fouiller dans la vie et la culture des gens et du pays. Pourquoi cette gêne? De quel droit accordons-nous un visage défini aux arts modernes, pourquoi uniformisons-nous notre culture selon un canevas qui nous est étranger à tous? La nature se targue d'être un royaume de diversité et l'homme se borne à uniformiser son milieu, sa culture, avant même d'envisager la tolérance des différences et l'union des peuples. Cette dissonance de pensée me paraît illogique. L'art se découvre par une communion individuelle. Il ne faut pas imposer des classiques, c'est une erreur. Chacun doit choisir ce qu'il aime et ce qu'il déteste, être libre et sélectif. Rien n'est plus subjectif que l'art. C'est tout ce qui doit être dit.
Prends soin de toi jusqu'à mon retour.
Lettre cinquième:
Moscou, le 5 août 2011.
            Je t'envoie mes plus cordiales salutations, très chère. J'ai réfléchi aux sujets abordés dans ma dernière lettre. Ces difficultés que je ressens, que beaucoup de touristes ressentent, à se lier intimement à la culture locale témoignent de la nature hypocrite et superficielle des visites touristiques. De façon générale, l'individu touriste ne veut pas voir la culture étrangère. Il ne cherche pas à comprendre, c'est un but beaucoup trop louable pour lui, un plaisir intellectuel qu'il ne ressent pas. Non, le touriste veut voir, s'ébahir de tout et de rien, vivre un spectacle. Il souhaite éveiller ses sens, tel un plaisir primaire et facile, pour fuir momentanément l'insignifiance, la morosité qu'il accorde à sa propre vie (car nous sommes responsable de cette vie, lui accordons un but et la rendons belle, ou l'inverse). Il va à l'étranger pour voir ce qu'il a déjà vu: des ballets, des cirques, des spectacles. Le plaisir voyeur comblé par le grandiloquent, le spectaculaire. Voilà le type d'appât pour attirer le touriste, celui qui veut se divertir: il suffit de lui offrir du connu sous la bannière de l'exotisme. La hargne se coince dans ma gorge, j'ai maintenant honte de voyager. Celui qui visite comme un touriste n'apprend rien, ne vit aucune expérience significative, ne côtoie pas les habitants. Il vit une idylle éphémère, illusoire et insignifiante pour apaiser son esprit fort peu complexe. Je ne souhaite cette simplicité d'esprit à personne.
Reste brillante, très chère. À bientôt.
Lettre sixième:
Moscou, le 10 août 2011.
            Ave à toi, amie. Mon voyage s'achève, mais j'ai l'impression que mes réflexions ne s'arrêteront pas avec mon retour au pays. Dernièrement, j'ai eu l'immense honneur de fouler de mes propres pieds le sol du Kremlin de Moscou, centre névralgique de la ville et du pays. J'ai pu apercevoir, outre les édifices d'État, l'inquiétante présence de nombreux policiers faisant office de gardiens de sécurité. Cela est sans compter un petit détachement militaire marchant à un rythme soutenu dans la direction opposée à la mienne (je ne peux donc pas dire dans quelle direction ils allaient, ce qui m'intriguait au moment où je les ai aperçus). Cette forte présence des forces armées de l'État ne font que confirmer un soupçon qui sommeillait dans mon esprit au moment de mon départ: la Russie est un pays beaucoup plus militarisé que le Canada. C'est, à tout le moins, vrai pour la capitale. Tu sais que je considère la police et l'armée comme une triste nécessité pour empêcher la naissance d'un chaos issu de nos natures humaines. Par contre, je me permets de questionner une présence si importante de soldats et de policiers (aussi appelés miliciens par certains locaux, ce qui veut dire beaucoup de choses) dans une seule ville. Question de sécurité, ou bien de répression? La ligne entre l'une et l'autre est mince. La loi est maintenue plus fortement que dans notre cher pays, cela va sans dire, et la Russie a pour réputation de restreindre de plus en plus les droits de la personne. La communauté internationale et les médias propagent à tous vents des histoires de police corrompue (qu'on surnomme les "loups-garous"), donnant à la Russie l'image d'une démocratie de façade, retirant malicieusement et subtilement les droits de sa population. Je ne sais trop que penser, mon itinérance dans les grands lieux de la Russie ne m'aillant pas permis d'observer avec acuité des éléments qui pourraient démystifier la situation. J'ai, malgré tout, l'impression que nos médias exagèrent. Je n'ai aperçu aucune intervention policière suspicieuse (malgré avoir entendu de nombreuses histoires). En fait, les Russes peuvent se vanter d'avoir moins de lois insignifiantes que nous. On ne m'a jamais expliqué pourquoi il était interdit de circuler en public une bière à la main au Canada, pays qui se veut moderne et libre, alors qu'en Russie l'exhibition d'alcools est permise (et, fais-moi confiance, les gens ne s'en privent pas). Au Québec, certaines villes punissent les citoyens nourrissant les animaux (en particulier les oiseaux) en offrant des amendes coûteuses (si l'on considère le "crime") aux contrevenants. Sans compter le fait que l'on fait fuir l'animal nourri, qui en est quitte pour une bonne frousse. Ces municipalités se justifient, certes (les oiseaux transportent des bactéries et, en les nourrissant, ils se voient incités à s'approcher des milieux humains, amenant la propagation de maladies), mais la notion de liberté souffre sévèrement de ce genre de restrictions banales et presqu'impossibles à faire respecter (à moins de réserver une partie de la force policière qui se chargera uniquement de faire respecter cette loi insignifiante). Les Russes ne sont peut-être pas libres à bien des égards, mais ils n'ont pas à nous envier, nous, peuples inconscients d'Amérique du Nord.
À bientôt.
Lettre septième:
Moscou, le 14 août 2011.
            De tout cœur, salut à toi. Ma lettre sera brève, car j'ai peu à dire. Il est tard, et mon voyage s'achève enfin. Je ne peux que faire un bilan que j'aimerais te transmettre, dans le simple but de l'écrire et le partager. La Russie est un pays qui ne s'est ouvert que depuis récemment au monde. Sa culture et son histoire, même si elles peuvent paraître ensevelies sous les éclairages publicitaires de L'Oréal Paris et autre marques de commerces que je ne nommerai pas (elles n'ont aucune importance), de même que tout le passé de la Russie ramènent à la gloire de la religion et de la volonté des puissants du passé. Ces souvenirs sont là, contrastant avec la décadence et le mensonge universel symbolisant notre modernité. Au temps des tsars, la population était majoritairement pauvre et au service des puissants. De même durant la cohabitation entre Français et Anglais sur le territoire canadien (rappelons-nous que le Canada offrait aux colons la chance de fuir le système de caste de l'Europe). Aujourd'hui, les puissants existent toujours, vivant en marchandant les ressources que la population désire. Aujourd'hui, ils ne façonnent plus les sociétés. Ils forment et représentent nos idéaux, sont symboles de succès. Leur influence n'est qu'idéologique. La richesse du peuple, elle, reste modeste, et le citoyen moyen se complait à vivre modestement. La modestie est un gâchis. Les sociétés se bâtissent sur le concept d'égalité entre les êtres humains. C'est, pour moi, le plus vil des mensonges. Un mensonge universel. C'est tout.

Réflexion critique:
            Dans le cadre du voyage en Russie, je devais me baser de mes observations durant les visites touristiques et respecter la thématique du voyage. Dans le but de présenter des réflexions se rapportant au voyage vécu, j'ai présenté mon personnage comme un voyageur visitant, lui aussi, la Russie. L'objectif du texte est d'unir le thème du voyage à celui de la critique sociale tout en respectant la forme du roman épistolaire. J'ai voulu offrir à mon personnage une personnalité perceptible à travers son écriture et ses prises de position face aux sujets des différentes critiques. N'aillant pas toujours accès à des informations quant aux sujets traités (excepté ma propre perception des choses), j'ai écrit les lettres de façon à amener le personnage-voyageur à émettre des jugements sur de nombreux sujets sociaux et idéologiques.
       
            Dans le but d'exprimer la nature fictive du texte, j'ai inversé l'itinéraire du personnage, dont le voyage a débuté à Saint-Pétersbourg pour se terminer à Moscou. J'ai ainsi pu rédiger les lettres traitant de mes expériences les plus récentes, avant que celles-ci ne perdent de leur fraîcheur, et en faire l'introduction du texte. Les dates ont elles aussi été modifiées, le personnage-voyageur visitant la Russie en pleine saison estivale, côtoyant de nombreux autres voyageurs, touristes et, bien entendu, des habitants russes. Ce mélange hétérogène est ce qui a permis au protagoniste d'observer le comportement des touristes de sensation et du peuple russe et ce, dans un seul voyage. La durée de son voyage (un mois, incluant le jour de départ) permettait au personnage principal d'approfondir ses observations puisqu'il avait le temps de visiter et d'observer, durant plusieurs jours, les même sites touristiques et comportements humains.

            La forme épistolaire, forme appliquée au texte qui suit, m'a permis de contourner la nécessité de décrire un environnement pour plonger directement dans l'aspect de la critique sociale. Cela m'a permis, au final, d'aborder plusieurs sujets au lieu de me concentrer sur un unique sujet de critique. De plus, l'écriture de lettres s'attachait particulièrement bien au concept d'un voyageur communiquant à partir d'un pays éloigné, notant ses observations sur papier pour ensuite communiquer avec un personnage inexistant (qui s'apparente au narrataire). L'absence de contexte (c'est-à-dire, de situation précise engendrant les réflexions du protagoniste) permet au lectorat de porter son attention sur les propos du personnage et, sans être influencé par un contexte ou une attache émotive (l'empathie), de prendre ou non le parti du protagoniste, selon la façon dont ils perçoivent la situation au niveau intellectuel. Au final, ce sont des pistes de réflexions qui ont été écrites pour permettre aux lecteurs de prendre la position qu'ils désirent. Le vocabulaire présenté dans les lettres se voulait d'ordre littéraire, témoignant d'un soucis du personnage-voyageur de bien s'exprimer. Ce choix de vocabulaire offrait aussi l'impression que les propos du protagonistes étaient réfléchis, faisant sentir au lecteur que le personnage observait son environnement de façon objective et neutre, sans s'emporter. Bien sûr, la cinquième lettre échappe à cette constante, le personnage s'emportant face au tourisme de sensation.

            Les deux œuvres étudiées dans mon volet analyse ont influencé la création de ce texte. En effet, l'idée d'appliquer la forme épistolaire provient de mon analyse des Lettres persanes de Montesquieu, qui m'a permis de découvrir les bénéfices associés à la forme épistolaire et de l'appliquer dans le cadre d'un voyage à l'étranger. L'autre œuvre vue dans mon volet analyse, L'Ingénu de Voltaire, m'a offert une perspective quant à l'imposition d'une idée chez le lecteur, en employant une prise de position manichéenne. Dans le but d'offrir une critique sociale innovatrice, j'ai mélangé des éléments provenant des deux œuvres étudiées. La forme des Lettres persanes  est ainsi présente, de même que l'invitation au lecteur de réfléchir quant aux propos du protagoniste et de prendre position selon une démarche intellectuelle. Cette invitation à la réflexion intellectuelle est amenée par la nature subjective de certaines réflexions du personnage et la non-représentation du point de vue opposée, ce qui est très présent dans l'œuvre de Voltaire. J'ai donc, d'une certaine façon, parodié la critique sociale de Voltaire pour amener le lecteur à réfléchir aux propos du personnage. Bien entendu, le narrataire doit s'apercevoir de la nature superficielle des réflexions les plus engagées du personnage, mais la cinquième lettre, qui exprime une colère outrancière et à bien des égards injustifiée, sert à révéler la subjectivité du personnage pour inviter le lecteur à questionner les propos de ce dernier.


            Les sujets abordés et critiqués à travers les différentes lettres touchent le monde contemporain en plusieurs endroits. En effet, le passé est souvent comparé et idéalisé face à la décadence, le manque d'esthétisme et la nature mensongère des sociétés contemporaines. Plusieurs lettres s'attaquent aussi à des valeurs ou croyances populaires, allant jusqu'à rejeter les concepts de liberté et d'égalité comme des mensonges. Des comportements sociaux sont expliqués pour ensuite être critiqués de façon à s'attaquer à la manière d'agir des individus. Les nombreuses critiques, issues de sujets et d'observations variées, tentent de rejoindre le plus possible le lectorat, s'attaquant à des valeurs et des comportements qui se veulent universels. Encore une fois, il s'agit d'amener le lecteur à se questionner, sans lui offrir une réponse définitive, ce dernier devant l'obtenir par sa propre démarche intellectuelle.